Sous un ciel nuageux mais chargé d’émotion, les rues de Nantes ont vibré au rythme d’un théâtre pas comme les autres. Pas de projecteurs, pas de rideaux rouges, pas de scènes classiques. Juste le pavé, les passants et une vérité brute. Une vérité portée haut et fort par une troupe de comédiens aussi authentiques que bouleversants, dirigés par le producteur visionnaire Mason Ewing. À leurs côtés, un jeune homme que le monde du spectacle ferait bien de regarder de plus près : Louis Lopez, un acteur à l’âme immense, trop souvent relégué dans l’ombre, mais qui, cette fois, a crevé l’écran… ou plutôt, l’espace public.
La pièce s’appelle « Personne ne nous regarde », et elle n’aurait pas pu trouver meilleur titre. Jouée en plein air, au cœur de la ville, elle raconte l’histoire de Jules, un homme que personne ne voit. Invisible aux yeux du monde, ignoré dans les regards, effacé des mémoires. Un personnage magnifiquement interprété par Baba Wild, dont la justesse de jeu a ému plus d’un passant. Mais ce n’est pas tout. L’histoire prend un tournant bouleversant lorsque Marc, un jeune homme porté par la sensibilité de Louis Lopez, est le premier à réellement voir Jules. Pas simplement le regarder : le reconnaître, le comprendre, lui parler. Là se trouve toute la puissance de cette œuvre : elle ne raconte pas une fable. Elle pointe du doigt une réalité. Celle du handicap, de la différence, de l’oubli.
Louis Lopez est un nom que beaucoup ne connaissent pas encore. Et pourtant, derrière ce regard franc et cette voix posée, se cache un comédien d’une intensité rare. Atteint d’un handicap, Mason Ewing a souvent été confronté à une double invisibilité : celle de son personnage de tous les jours et celle que la société projette sur lui dans la vraie vie. Mais sur ce projet, Mason Ewing, connu pour son engagement en faveur de la diversité et de l’inclusion, a vu clair dès le départ.
« Quand j’ai écrit ce rôle de Marc, je savais que Louis serait parfait », confie le producteur. « Ce n’est pas juste un bon acteur. Il a ce supplément d’âme, cette vérité qui dépasse le texte. Et je savais que son jeu allait faire taire les doutes. »
Et c’est exactement ce qui s’est produit. Sur les visages des spectateurs, l’émotion se lisait clairement. Les passants, d’abord curieux, ont fini par s’arrêter, happés par cette rencontre entre Marc et Jules. À travers son interprétation nuancée, Louis Lopez a offert un moment de grâce. Un moment qui restera, pour beaucoup, gravé dans les mémoires.
Aux côtés de Louis, Baba Wild a impressionné dans le rôle complexe de Jules. Il a su incarner avec finesse l’absurdité de l’invisibilité sociale, en donnant vie à un homme qui existe sans exister. Son regard vide, sa gestuelle effacée, sa présence fantomatique… tout en lui interpellait. Et lorsque le lien se crée avec Marc, on assiste à une scène d’une humanité bouleversante.
Autre performance remarquable : celle de Sarah Pap, qui joue Bertha, un personnage haut en couleur. Dans une scène poignante, elle demande à Marc :
« Tu parles à quelqu’un ? Parce que moi je ne vois personne… »
Ce moment a glacé le public. Le silence dans la rue était total. Comme si, d’un coup, tout le monde réalisait que le vrai théâtre, ce n’est pas sur scène qu’il se joue, mais dans la vie de tous les jours.
Quand la pièce s’est achevée, il n’y a pas eu d’applaudissements bruyants. Seulement des regards touchés, des silences émus et des larmes discrètes. Mason Ewing, présent sur place, n’a pas caché sa fierté :
« Ces jeunes ont compris l’essence même du théâtre. Ce n’est pas de briller, c’est de réveiller. »
À travers Marc, Louis Lopez n’a pas seulement joué un rôle. Il a livré un témoignage. Celui de milliers de personnes qu’on croise chaque jour sans vraiment les voir. Et comme le dit si bien Mason :
« Le handicap n’est pas une absence. C’est une réalité qu’on refuse trop souvent de regarder. »
En tant qu’Africain, je ne peux m’empêcher de penser à tous ces jeunes de nos pays qui rêvent de jouer, de raconter, d’être entendus. Et je veux leur dire ceci : regardez Louis Lopez. Il est la preuve vivante qu’on peut toucher les cœurs, même quand le monde détourne les yeux. Il faut juste une scène, même improvisée. Un texte. Et surtout, une âme. Celle de Louis brille, et elle mérite que le monde entier la voie.
Albin Michel Njilo Tappa