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26 janvier 2025

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EXCLUSIF/CamerounRencontre avec Babissakana,** l’homme qui appelle Paul Biya à prendre sa retraite

[04:24, 07/12/2024] tappafr: Cet ex-banquier d’origine camerounaise s’est fait remarquer récemment en adressant une lettre ouverte sur LinkedIn. Il demande au président Paul Biya de préparer sa succession en acceptant d’organiser sa retraite avant la prochaine présidentielle. Interview.
Par Georges Dougueli – Journaliste
Publié le 4 décembre 2024

« Si vous avez accès au patriarche Paul Biya, merci de lui transmettre cette lettre », écrit Babissakana sur sa page LinkedIn, en amorce de son « appel à passer la main », lettre ouverte au président du Cameroun. Ex-banquier de 59 ans, consultant en finance, stratégie et management de projet, cet esprit libre ose évoquer, à moins d’un an de la pro…
[04:26, 07/12/2024] tappafr: 🛑🛑🛑 EXCLUSIF/Cameroun Rencontre avec Babissakana, l’homme qui appelle Paul Biya JBà prendre sa retraite
Cet ex-banquier d’origine camerounaise s’est fait remarquer récemment en adressant une lettre ouverte sur LinkedIn. Il demande au président Paul Biya de préparer sa succession en acceptant d’organiser sa retraite avant la prochaine présidentielle. Interview.
Par Georges Dougueli – Journaliste
Publié le 4 décembre 2024

« Si vous avez accès au patriarche Paul Biya, merci de lui transmettre cette lettre », écrit Babissakana sur sa page LinkedIn, en amorce de son « appel à passer la main », lettre ouverte au président du Cameroun. Ex-banquier de 59 ans, consultant en finance, stratégie et management de projet, cet esprit libre ose évoquer, à moins d’un an de la prochaine présidentielle, l’opportunité d’une nouvelle candidature du président camerounais.
L’ancien cadre du Crédit agricole du Cameroun, président de la Pan-African Project Management Conference évoque surtout la possibilité d’une transition maîtrisée, sur la base d’un argumentaire, mêlant analyses politiques et économiques. Jeune Afrique l’a rencontré pour approfondir les raisons de son initiative très remarquée.

Jeune Afrique : Qu’est-ce qui vous a poussé à adresser au président Paul Biya un appel à prendre sa retraite ?

Babissakana : L’analyse du risque politique qui pèse sur le Cameroun met en exergue une chose essentielle : la position dominante qu’occupe le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) dans la politique camerounaise. De fait, les risques dans le cas d’une transition au sommet de l’État sont de deux ordres : à la tête du parti d’une part, à la présidence de la République d’autre part. Une transition non-maîtrisée au sein du parti au pouvoir pourrait avoir un impact dévastateur sur l’ensemble du pays. Le scénario idéal, qui minimiserait ce risque, serait la retraite volontairement décidée du président Paul Biya et son implication active dans une transition maîtrisée, démocratique et transparente à la tête de l’État.

Pourquoi lui proposez-vous d’adouber un membre de son propre parti au lieu de demander l’organisation d’une élection démocratique ?

Le président Paul Biya étant reconnu par les siens comme étant un leader parfait et infaillible, sa décision de proposer quelqu’un d’autre que lui sera perçue comme étant la plus informée et la plus pertinente. De plus, il est établi au sein du RDPC que l’on ne discute pas les décisions du patron incontesté. Aucun membre du RDPC ne devrait discuter ou remettre en cause une désignation d’un dauphin par Paul Biya. Celle-ci sera alors, pour des raisons de commodité procédurale, confirmée par le congrès du parti, ultradominant au Cameroun, puis par la convocation d’une élection démocratique.

Vous êtes le premier et serez peut-être le seul à entreprendre cette démarche, dans un pays où le débat sur la candidature du président sortant est presque tabou…

Sincèrement, je ne me préoccupe pas d’être le premier ou le dernier. J’ai la certitude que le débat est régulier au sujet de la candidature du président Biya dans plusieurs cercles, aussi bien au niveau national qu’international. Ce sont les discussions dans les organes et canaux officiels du RDPC qui semblent tabous et bloqués par les concepts de « candidat statutaire » ou de « candidat naturel » réservés au président national du RDPC. Personne n’ose envisager le changement du président national de ce parti. N’étant pas membre du RDPC, ma qualité de modeste citoyen m’autorise en mon âme et conscience à écrire au chef de l’État pour lui suggérer cette démarche.

Vous relevez l’échec de Paul Biya à réaliser son ambition de faire du Cameroun un pays industrialisé à l’horizon 2035. Comment l’expliquez-vous ?

L’ambition de départ était bonne, pertinente et mobilisatrice en 2009, lorsque la vision a été formulée à un horizon de 25 ans. Au-delà de l’impact négatif des chocs externes (notamment la pandémie du Covid-19, la guerre entre l’Ukraine et la Russie, etc…) et internes (la crise anglophone, le terrorisme islamiste à l’Extrême-Nord), la principale raison pour laquelle les résultats n’ont pas été à la hauteur de cette vision est l’absence d’un régime de planification stratégique de l’État du Cameroun qui aurait pu permettre une rationalisation de l’allocation des ressources publiques à moyen et long terme. Si ce plan avait existé, il aurait été opposable au gouvernement, qui aurait dû l’appliquer et rendre compte au Parlement.
Mais les deux plans décennaux qui ont été adoptés pour mettre en place la vision 2035 ne sont restés que purement indicatifs. Plusieurs initiatives parallèles – notamment des plans triennaux – ont été entreprises par la présidence de la République en marge des plans décennaux, mais cela a créé une dispersion des ressources. Il y a aussi de multiples problèmes structurels qui ont pu être observés, notamment une préférence du budget national pour les dépenses courantes plutôt que les investissements, l’absence d’une réelle autorité de la concurrence pour réguler efficacement l’économie…

Vous écrivez également que Paul Biya a renoncé à bâtir un État industriel, seul capable à vos yeux de porter et stimuler la croissance.

Le meilleur indice visible est l’état du patrimoine industriel de l’État, c’est-à-dire du portefeuille des entreprises publiques du secteur industriel. Parmi les 47 entreprises publiques contrôlées de 70 % à 100 % par l’État, nous pouvons citer quatre entités industrielles publiques qui illustrent l’abandon de l’ambition d’industrialisation : la Compagnie camerounaise d’Aluminium (Alucam), qui n’arrive pas à déployer depuis dix ans son plan d’investissement ; le Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC), avec son projet de Limbé qui traîne depuis 2005 ; la Cicam, avec un plan de restructuration devenu un serpent de mer ; et, enfin, la Société nationale de raffinage (Sonara) dont l’outil industriel s’est effondré.

Vous formulez également le reproche d’un État dépensier, privilégiant les dépenses de fonctionnement aux investissements. N’est-ce pas le Parlement qui vote ces budgets, ce qui induit une responsabilité partagée de tous les élus ?

Les performances aussi bien prévisionnelles que réalisées sont de la responsabilité de l’exécutif, qui fait les choix d’allocation des ressources. La justification de la préférence des dépenses courantes en comparaison aux dépenses d’investissement confirme bien qu’il s’agit d’un État dépensier ayant un train de vie anormalement élevé. Cette tendance est bien de la responsabilité du chef de l’exécutif. Le budget d’investissement public est d’ailleurs passé de 25,9 % du budget total en 2009 à seulement 18 % en 2022.
Vous affirmez que le leadership du président Paul Biya est en phase d’essoufflement. Pouvez-vous étayer vos propos ?

La courbe d’évolution de l’expertise, de la compétence et de l’expérience d’un dirigeant a généralement la forme d’un « U » inversé. Ainsi, en bout de cycle, il y a obligatoirement une phase d’essoufflement et de déclin traduisant l’incapacité et l’impossibilité du dirigeant d’exercer de manière effective et efficiente son rôle de direction et de pilotage. Pour un leader politique de premier plan comme le président Paul Biya, nous situons le début de la phase de déclin à partir de 2010-2011. Durant les dix ou douze dernières années, l’essoufflement du président s’observe aisément.
Le dernier congrès du RDPC date de septembre 2011, il y a presque 13 ans. Ensuite, le bureau politique de ce parti, composé de 23 membres et dont les réunions sont rares, compte au moins cinq décédés et un condamné à une peine de prison de longue durée. Enfin, le comité central, organe chargé de diriger le RDPC au quotidien ne se réunit presque pas. Une formation dont les organes de direction et de gouvernance ne se réunissent pas régulièrement est de fait en léthargie.

Qu’en est-il de la gouvernance de l’État en elle-même ?

Là aussi, il y a plusieurs faits marquants. Le dernier réaménagement du gouvernement date du 4 janvier 2019 et le dernier conseil ministériel date du 16 janvier 2019. Tout ceci date de plus de cinq ans. Le phénomène des correspondances de la présidence de la République répercutant les « hautes instructions » du chef de l’État est apparu et s’est densifié comme jamais auparavant. Le dernier conseil supérieur de la magistrature date du 10 août 2020 et plusieurs promotions de magistrats sont en attente. On voit aussi la multiplication des nominations par intérim au sein du gouvernement, notamment au ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, dans les établissements publics…

Pensez-vous qu’il soit réaliste de voir Paul Biya battre campagne en 2025 pour une candidature autre que la sienne ?

Je suis convaincu que des chances existent qu’il choisisse un autre cadre du RDPC pour le porter à la présidence du parti. Chef de l’État jusqu’en novembre 2025, il pourrait alors effectivement battre campagne pour un nouveau leader qu’il aura choisi en connaissance de cause. Actuellement, il y a une très forte attente des citoyens qui veulent que cela se passe ainsi. Les Camerounais souhaitent une transition douce. Ce serait une sortie plus qu’honorable pour notre président. Il est généralement établi dans les grandes organisations performantes que la réussite d’un leader se mesure aussi par la qualité de sa succession.
Quel serait le portrait-robot de l’oiseau rare qui pourrait succéder à Paul Biya ?

Le préalable à une succession réussie est le renouvellement du leadership politique au RDPC, via la désignation d’un nouveau président national du parti et la révision de ses organes de gouvernance et de management. Je n’ai pas de doute sur l’existence de multiples profils capables de piloter et de diriger le Cameroun et de parvenir à des performances supérieures à celles que nous avons actuellement. Ils existent aussi bien dans le RDPC que dans les principales formations politiques d’opposition, ou même parmi les indépendants. Mais il sera indispensable de créer les conditions d’une concurrence saine et loyale.

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